RUSSELL ET  LA QUERELLE DES RELATIONS INTERNES   

         

                                                   François CLEMENTZ

                                           Université de Provence (Aix-Marseille 1)

                                                Département de philosophie 





I – Introduction 


  Avec le recul du temps, il apparaît que la fameuse querelle des « relations internes » qui opposa Russell et Moore à Bradley et aux idéalistes néo-hegeliens dans les toutes dernières années du XIXème siècle et dans les premières années du siècle suivant recouvre plusieurs controverses distinctes, qui concernent respectivement le point de savoir 

     (1) si les relations peuvent être, d’une manière ou d’une autre, réduites aux qualités - ou, si l’on préfère, aux propriétés monadiques - de leurs termes,

 (2) si les relations qu’une chose entretient avec d’autres doivent être tenues pour constitutives, en quelque manière, de son essence ou de son identité, 

 et (3) si les relations en général - ou, à défaut, certaines catégories d’entre elles – peuvent être considérées comme fondées sur les propriétés (non-relationnelles) de leurs termes.

Autant de questions distinctes, mais dont l’enjeu philosophique, dans l’esprit des principaux protagonistes, concernait en priorité (4) le problème de ce que j’appellerai, faute de mieux, et en première approximation, la « réalité » des relations.


Contrairement à ce que suggère Ronald Jager (1972, p.73), et même s’il est vrai qu’il ne les distingue pas toujours les unes des autres avec toute la clarté nécessaire, rien ne permet d’affirmer que Russell aurait à proprement parler confondu ces différentes questions, dont il semble seulement avoir pensé, à tort ou à raison , qu’elles sont elles-mêmes étroitement liées dans la mesure où, de la réponse qu’on apportera à la première, dépend la position que l’on adoptera eu égard aux trois autres. Le moins que l’on puisse dire, du reste, est que ses adversaires idéalistes ne distinguent pas toujours très clairement eux-mêmes entre les questions (2) et (3) lorsqu’ils soutiennent que les relations sont toujours d’une manière ou d’une autre inscrites dans la « nature » de leurs termes. Russell, en un sens, ne remet pas véritablement pas en cause le rapport direct que Bradley, tout particulièrement, établissait entre ces deux questions. Sa véritable originalité est d’avoir, pour mieux rejeter en bloc le genre de réponse que le néo-hégelianisme se proposait de leur apporter, tiré d’abord de sa lecture de Leibniz, puis de la découverte (via Peano) de cette « logique moderne » au développement de laquelle il devait tant contribuer lui-même, la conviction que l’ensemble du raisonnement des idéalistes hégeliens – et, de proche en proche, de l’idéalisme en général, voire finalement de la quasi-totalité de la tradition philosophique – reposait en dernier ressort sur une confusion d’ordre logique.


Selon Russell, en effet, toute l’histoire de la philosophie occidentale jusqu’à la fin du XIX° siècle – à l’exception, peut-être, de l’œuvre de Platon – a été dominée par « la croyance ou la conviction inconsciente qu’il n’y a pour toute proposition que la forme sujet-prédicat » (1914, tr. fr., p. 65), ou, « en d’autres termes, que tout fait consiste en la possession d’une qualité par une chose » (ibid). De ce préjugé, d’ordre logique au sens large, découle tout naturellement la doctrine de l’ « intériorité » des relations. Or, sans doute celle-ci est-elle susceptible de revêtir deux formes principales selon que la réduction des relations aux propriétés emprunte, ainsi qu’on va le voir, la voie du « monadisme », ou celle du « monisme ». Mais, outre que la première forme de réduction, appliquée à la relation de différence ou de diversité numérique, conduit immanquablement, si elle est conséquente avec elle-même, à la seconde - de telle sorte que l’on pourrait dire, en parodiant la phraséologie hégelienne, que le monisme est la « vérité » du monadisme -, l’une et l’autre aboutissent à un « refus philosophique des relations » (1903, § 212 ). Là ne s’arrêtent pas, cependant, les conséquences de la doctrine des relations internes. Sur le plan épistémologique, celle-ci signifie qu’aucune proposition n’est totalement vraie si elle n’exprime la totalité du vrai. Au monisme ontologique correspond cette autre forme de holisme que Russell appelle le « monisme logique » et qui conçoit la vérité comme une totalité organique dont tous les constituants, comme l’écrivait l’idéaliste Harold Joachim, « s’impliquent les uns les autres ». En effet, puisque la connaissance de la « nature » d’une chose enveloppe la connaissance de l’ensemble de ses relations et puisque « chaque fragment de réalité apparemment isolé se raccorde, si l’on peut dire, à un autre fragment qui, à son tour, est relié à un autre, et ainsi de suite » (1912, tr. Guillemin, p. 82), tout jugement sera « abstrait » ou « mutilé » tant qu’il ne sera pas rapporté à la connaissance de l’ensemble des choses avec lesquelles une chose donnée est en relation et, en dernière analyse, de la Totalité elle-même. Comme l’on sait, c’est à ce genre de conséquences que s’oppose frontalement le principe russellien des relations externes, qui conduit à défendre au contraire, et simultanément, l’idée d’un univers irréductiblement pluriel, le refus du holisme épistémologique (et notamment de la théorie de la vérité-cohérence), ainsi que la légitimité de l’analyse en général et, plus particulièrement, d’une méthode philosophique fondée sur l’examen des problèmes « au cas par cas » <piecemeal>. 


II – Le « dogme » des relations internes


   L’axiome des relations internes, peut-on lire dans Histoire de mes idées philosophiques (pp 67-68), affirme que « toute relation entre deux termes exprime, en premier lieu, les propriétés intrinsèques des deux termes et, en dernière analyse, une propriété de l’ensemble qu’ils composent ». Comment faut-il comprendre cette définition ? Pour les partisans de l’internalisme, si l’en croit Russell, toute proposition relationnelle doit pouvoir s’analyser comme une proposition, ou comme une conjonction de propositions, de la forme sujet-prédicat. Sans doute peut-on traduire la même idée en disant que les relations elles-mêmes sont « réductibles » aux propriétés monadiques de leurs termes, ou encore (comme le fait Russell quelques pages plus loin) qu’elles sont « réellement constituées » par la nature de leurs termes ou de l’ensemble qu'ils composent. Selon Russell, l’erreur fondamentale de la logique traditionnelle est de supposer que tout fait consiste dans « la possession d’une qualité par une chose » (1914, p. 65). Si elle a si souvent conduit les philosophes à nier la réalité des relations, c'est qu’elle pose en principe que celles ci « se réduisent aux propriétés des termes apparemment en relation » (op.cit., pp. 66-67). La structure générale de la réfutation que Russell a cru pouvoir donner de ce principe de réductibilité dans les Principles of Mathematics (1903, §§ 212 sq) est suffisamment connue pour que l’on puisse se contenter d’en rappeler ici les grandres lignes. Prenant pour point de départ un passage de la 5ème  lettre de Leibniz à Clarke devenu fameux grâce à lui, mais sur le sens duquel Ide Hishiguro (1972) et, à sa suite, d’autres commentateurs ont soutenu un peu rapidement qu’il s’était à peu près totalement mépris, Russell commence par distinguer deux formes principales d’analyse des propositions relationnelles - la première conduisant au monadisme de Leibniz et de Lotze, la seconde au monisme d’un Spinoza, d’un Hegel ou d’un Bradley -, susceptibles d’être employées par un philosophe convaincu que toute proposition est, en dernière analyse, de type attributif pour tenter de résoudre la difficulté que ne peut manquer de constituer pour lui le cas des relations asymétriques. Mais, comme le remarque d’emblée Russell, la stratégie monadiste est susceptible de revêtir à son tour deux types différents de procédure, de sorte que l’on aboutit finalement à trois sortes de réduction possible. 


La forme la plus simple de réduction consiste ainsi à tenir un énoncé comme « L est plus grand que M » pour équivalent soit à

                       (1)      L est (plus grand que M), 

où le prédicat d’apparence monadique placé entre parenthèses est supposé correspondre à un attribut de L, soit à l’énoncé obtenu en inversant l’ordre du référent et du relatum, à savoir :

                        (2)      M est (moins grand que L).

On aura reconnu ici l’identification traditionnelle, depuis Aristote et les Médiévaux, des relations à des accidents relatifs, autrement dit à des propriétés relationnelles. Mais il importe néanmoins d’observer que, si Donald Mertz, par exemple parle lui aussi à son propos, de la « réduction monadique traditionnelle » (Mertz, 1996), les philosophes médiévaux ne considéraient naturellement pas, pour leur part, cette identification comme une « réduction », mais comme une sorte d’évidence auréolée de l’autorité d’Aristote : on pourrait parler d’une réduction implicite ou « par défaut ». L’objection de Russell, en tout cas, est que la « propriété » que l’on prétend substituer, dans un cas comme dans l’autre, à la relation considérée est en réalité un « adjectif extrinsèque », simplement dérivé de cette même relation, qui constitue uniquement « une manière embarrassée <cumbrous> » de désigner cette dernière. 


Une deuxième forme de réduction, toujours d’inspiration monadiste, consiste à considérer que la proposition A est plus grand que B  (où A et B désignent deux quantités quelconques) équivaut à la conjonction de deux propositions attribuant respectivement à A et à B une grandeur déterminée. Cette fois, nous avons affaire à la thèse, admise par certains médiévaux, mais rejetée par d’autres, qui revient à identifier les relations avec leurs « fondements » non-relationnels – à ceci près que Russell, à la différence, semble-t-il des philosophes de l’Ecole, considère cette seconde option, à l’instar des deux autres, sous l’aspect d’une réduction d’ordre logique ou conceptuel. En tout cas, on évitera une fois de plus de confondre cette nouvelle option réductive, avec la thèse – admise aussi bien par Leibniz que par la quasi-totalité des philosophes scolastiques avant lui - selon laquelle les relations « surviennent » sur leurs fondements qualitatifs, quantitatifs, etc.. L’objection bien connue de Russell est, cette fois, qu’une telle analyse est incapable de rendre compte de la différence de grandeur entre A et B, sauf à introduire entre leurs grandeurs respectives une relation tout aussi asymétrique que celle que les grandeurs en question étaient censées expliquer : une relation dont nous ne pourrons rendre compte à son tour que moyennant l’introduction de nouveaux prédicats monadiques, au risque de nous engager ainsi dans un processus de régression à l’infini.

    Dans sa version moniste, enfin, l’axiome des relations internes prétend que toute proposition relationnelle de type « aRb » équivaut à une proposition concernant le tout composé de a et de b, proposition que l’on symbolisera par « (ab)r ». En d’autres termes, la relation R est réduite à l’attribut r, lui-même prédiqué du tout (ab). Dans cette analyse, la proposition « A est plus grand que B », par exemple, ne porte en réalité ni sur A ni sur B séparément, mais sur les deux pris ensemble, et elle signifie en fin de compte : « A et B sont des grandeurs différentes » - ou, mieux, « (AB) contient une différence intrinsèque de grandeur ». Or il est patent que cette troisième forme de réduction ne réussit pas mieux que la précédente à rendre compte de la notion d’ordre, ou de la différence de sens entre une relation asymétrique et sa converse. Il est clair, en effet, que ( a, b)  est symétrique par rapport à a et à b, et qu’ainsi « la propriété du tout sera exactement la même dans le cas où a est plus grand que b et dans le cas où b est plus grand que a » (§ 215).

 

 Que penser de l’argumentation de Russell prise dans son ensemble ? On accordera sans difficulté à Russell, je pense, que la première des trois procédures de réduction du relationnel au prédicatif qu’il envisage tour à tour dans les Principles n’a en réalité de « réduction » que le nom. De fait, non seulement le membre de phrase « ...plus grand que M » contient, implique ou « enveloppe » (involves), comme l’écrit Russell, une référence à M, mais son éventuelle promotion au rang de prédicat à part entière ne saurait servir à l’analyse de la relation entre L et M, puisque ce prédicat est au contraire lui-même explicitement formé à partir de la relation en question - autrement dit, il s’agit d'un « prédicat dérelativisé ». Du même coup, ainsi que l’observe Russell, « si L possède un adjectif <une propriété> qui correspond au fait qu’il est plus grand que M, cet adjectif est, logiquement parlant, second par rapport à, et simplement dérivé de, la relation unissant directement L à M » (§ 214). L’objection élevée à l’endroit de la seconde forme de réduction me paraît tout aussi convaincante - et le fait est qu’elle est aujourd’hui généralement tenue pour acquise, y compris par les philosophes, tel K. Campbell, qui soutiennent que toutes les relations sont « fondées » sur des propriétés monadiques. Aussi bien, un autre argument dans le même sens, comme le fait remarquer Campbell lui-même, tient à la « réalisabilité multiple » des relations (ou, en tout cas, des relations comparatives) prises, sinon comme universaux, du moins comme «types» eux-mêmes conçus en tant que classes d’équivalence – c’est à dire au fait qu’un énoncé comme « Socrate est plus grand que Théétère » est vrai si Socrate mesure 1m 79 et Théétète 1 m 67, mais aussi si le premier mesure 1m 78 et le second 1m 69, et ainsi de suite. 


Le troisième argument, comme le second, repose crucialement sur la considération du sens des relations asymétriques, qui importent d’autant plus aux yeux de Russell qu’elle est au fondement des notions d’ordre, de suite, etc. C’est, du reste, cette même idée d’une différence irréductible de sens entre une relation asymétrique (ou en tout cas non-symétrique) et sa converse qui explique le choix, maintenu par Russell, tout au long de sa carrière de logicien et de philosophe, d’une conception intensionnelle des relations. Dans les Principles, tout en saluant l’intérêt des travaux de de Morgan, de Peirce et de Shröder, il se refuse à admettre que le calcul des relations puisse être considéré comme une extension du calcul des classes du seul fait que les relations dyadiques, par exemple, sont formellement définissables comme des classes de couples. De deux choses l’une, en effet : ou bien les couples en question ne sont pas ordonnés (il s'agit donc, dans le vocabulaire de la logique actuelle, de simples paires inordonnées), et on échoue à rendre compte du sens, ou de la « direction », de la relation; ou bien il s'agit de couples stricto sensu, mais alors on présuppose la relation qui les ordonne et que l’on prétendait justement pouvoir définir. Sauf à introduire la notion de « couple avec sens » comme une idée primitive, mieux vaut, par conséquent, s'en tenir à une caractérisation intensionnelle des relations - et soit tenir pour primitive la notion de relation elle-même, comme l’avait fait Russell lui-même dans son maître-article de 1901 sur la logique des relations, soit (ce qui revient finalement au même) marquer l’autonomie du calcul des relations par l’introduction d’une « proposition indémontrable » en vertu de laquelle « xRy est une proposition pour toutes les valeurs de x et de y » (1903, § 28). En 1903, il est vrai, le primat ainsi accordé à l’interprétation intensionnelle s’accompagne de certaines hésitations concernant ses avantages et ses inconvénients au plan formel. Il faudra donc attendre les Principia Mathematica, dont la proposition *21 consacrera la possibilité technique de définir les relations comme des classes de couples, pour que Russell - comme le souligne Granger (1988, p. 44) - en vienne à prendre plus clairement conscience des raisons essentiellement philosophiques de son attachement à la conception intensionnelle. Attachement dont il ne se départira jamais, ainsi qu’en témoigne le chapitre VIII de Histoire de mes idées philosophiques, où Russell confirme que c’est bien « (son) opinion philosophique » qui a l’a conduit à considérer qu’en fin de compte, « ce qui importe dans la logique des relations est ce par quoi elle diffère de la logique des classes » (1959, tr. fr., p. 108). Selon lui, deux principaux arguments peuvent être avancés contre le principe d’une caractérisation purement extensionnelle des relations en termes de classes de couple. Tout d'abord, s’il est exact que, du strict point de vue du calcul formel, rien ne nous empêche de considérer une relation comme un ensemble de couples ordonnés, c’est néanmoins « l’intension seule qui donne son unité à l’ensemble », comme il en va du reste pour les classes elles-mêmes. Après tout, nous comprenons le mot « précéder », bien que nous soyons, à l’évidence, aussi peu capables « d’énumérer tous les couples x, y , tels que x précède y » que d’énumérer tous les membres d'une classe infinie, ou même, simplement, tous les membres de la classe (pourtant finie) des perce-oreilles (p. 109). En second lieu, et surtout, la notion de couple, une fois de plus, présuppose celle de relation : « les couples doivent être des couples ordonnés, c’est-à-dire que nous devons être capables de distinguer le couple x, y du couple y, x. Cela ne peut être fait qu'au moyen d’une relation quelconque en intension » (ibid). 


Il est à première vue assez étonnant, comme le remarque encore Granger (op.cit., p. 231), que Russell, dans cet ouvrage paru en 1959, n’estime à aucun moment devoir faire allusion aux travaux de Hausdorff (1914), Kuratowski (1920) et Wiener (1924), qu’il pouvait pourtant difficilement ignorer. Sans doute peut-on présumer que ce qui vaut, à ses yeux, pour la définition des relations en termes de classes de couples - laquelle « est techniquement possible, mais ne dirige pas naturellement l’attention sur ce qui est important » (1959, p.108) - vaut également pour la procédure dite « de Wiener-Kuratowski » de réduction des couples à des ensembles de paires inordonnées, et donc finalement des relations elles-mêmes à des classes de telles paires inordonnées. La question ne s’en pose pas moins de savoir si la méthode de Wiener-Kuratowski ne remet pas bel et bien en question la thèse russellienne de l’irréductibilité des relations.



III- Relations en intension


Le problème, à vrai dire, se présente sous deux aspects différents, l’un d’ordre essentiellement technique, l’autre de nature plus philosophique. D’un point de vue purement logique, la difficulté bien connue que soulève la définition de Wiener-Kuratowski concerne la différence de type qu’elle introduit entre le definiens et le definiendum  - ou, en d’autres termes, entre la classe d'individus qu’est en principe le couple <x,y > et la classe de classes qu'on lui fait correspondre : 

                                          <x, y>  <=> df  {{x}, {x,y}}

Dans le langage de la théorie des types, on dira que le couple <x,y> passe ainsi du statut d’objet de type 1 au statut d’objet de type 2 et que, du même coup, les relations, en tant que classes de couples, deviennent à leur tour des objets de type 3, et non plus de type 2. On sait, toutefois, que Quine, dans un article fameux (« On Ordered Pairs and Relations », in Selected Logic Papers), a proposé une reformulation complexe et ingénieuse de la définition W-K, qui parvient à réduire cette différence de type, mais à condition de supposer que tout individu peut être identifié à une classe - c'est-à-dire, en l’occurrence, à la classe ayant pour unique membre l’individu en question. La difficulté est formellement résolue, mais à quel prix ? La solution de Quine a pour conséquence avouée que toute classe devient une classe de paires ordonnées, donc une relation. Plus rien ne distingue alors en principe le calcul des classes et le calcul des relations. Or ceci ne s’accorde guère avec le théorème de Church (1936) en vertu duquel la logique du premier ordre admet une procédure de décision quant elle est monadique, mais non quand elle est générale, c’est-à-dire quand elle admet des prédicats polyadiques.

   Si nous laissons à présent de côté ces difficultés techniques, il reste à s’interroger sur la portée véritable de la définition de Wiener-Kuratowski. Il existe, en gros, deux façons de minimiser l’impact philosophique de cette dernière. D’un côté, il y a ceux qui soutiennent que cette méthode de définition préserve l’essentiel des notions de couple et de relation - à savoir le sens des relations asymétriques -, de sorte qu’elle ne remet pas vraiment en question le principal argument de Russell contre la thèse de réductibilité. De l’autre, il y a ceux qui pensent, au contraire, qu’elle ne rend pas véritablement compte du concept (logique ou mathématique) usuel de « couple » et ne constitue donc pas une véritable définition de cette notion. Ainsi, J..Lowe (1989, pp. 17-18) considère que les notions de couple et d’ensemble recouvrent deux sortes d’ « objets » obéissant à des critères d’identité différents. Le critère d’identité qui gouverne la notion d’ensemble ou de classe découle tout simplement de l’axiome d'extensionnalité qui stipule que deux ensembles E et E’ sont identiques si et seulement s’ils ont les mêmes éléments. En revanche, la propriété fondamentale des couples, en tant que paires ordonnées, est que deux couples sont identiques si et seulement s’ils comportent les mêmes éléments et si le premier élément de l’un est identique au premier élément de l'autre. Dans ces conditions, n’est-on pas fondé à penser que si les couples <x,y> et <y, x>, par exemple, pouvaient être identifiés à des ensembles (au sens strict ou ordinaire du terme), ils devraient être considérés - en vertu du critère d’identité pour les ensembles-  comme formant le même ensemble dès lors que leurs éléments sont identiques ? Or, en vertu du critère d’identité pour les couples, ce sont deux couples différents. Bien entendu, Lowe n’ignore pas que la procédure W-K  est justement supposée permettre de contourner la difficulté (ou, en d’autres termes, de ramener les couples à de simples ensembles tout en préservant leur propriété fondamentale) en identifiant <x,y> et <x,y> à des ensembles différents parce que constitués d’éléments différents. Mais, pour Lowe, c’est précisément ce point qui fait problème et qui explique que, quelle que puisse être par ailleurs l’utilité de l’«astuce » logique sur laquelle s’appuie la méthode de Wiener-Kuratowski, celle-ci peut difficilement passer pour une définition à strictement parler. N’y a-t-il pas lieu de penser, en effet, qu’à s’en tenir à notre « compréhension naturelle » de la notion d’ensemble ordonné, les couples <x,y> et <y, x> ont bel et bien, au contraire, les mêmes éléments ? 


Tout le problème, bien entendu, est de savoir jusqu’à quel point nous sommes prêts à admettre qu’une définition de type réductif puisse prendre à rebours certaines de nos « intuitions » supposées touchant le sens du terme, ou le contenu du concept, auquel elle s'applique. Dans le cas qui nous intéresse, le problème est rendu d'autant plus aigu qu’il existe en réalité toute une variété de méthodes possibles pour « réduire » les ensembles ordonnés aux ensembles non ordonnées. Ainsi, le couple <x,y> peut être identifié aussi bien avec la paire non ordonnée ((x), (y, Λ)) (Wiener) qu’avec la paire ((x), (x,y)) (Kuratowski). Si l’on admet que ces définitions sont logiquement équivalentes, il s’ensuit, comme le note D.Wiggins (1980, p. 42)  que, si nous appelons respectivement S et S’ l’ensemble figurant dans le premier definiens et l’ensemble qui figure dans le second, nous sommes en droit de dire que S et S’ sont le même couple ordonné. Mais, d’un autre côté, il paraît difficile de soutenir que S et S’ forment le même ensemble, ce qui violerait non seulement l’axiome d’extensionnalité, mais aussi la loi de Leibniz concernant l’indiscernabilité des identiques, qui interdit que deux objets numériquement identiques puissent avoir des propriétés différentes - et donc, notamment, qu'ils puissent  être composés d’éléments différents. Wiggins en conclut, lui aussi, que la méthode W-K n’est pas une définition au sens strict et qu’un couple n’ « est » une paire non ordonnée de paires non ordonnées qu’au sens où nous il arrive de dire d'un acteur qu'il « est » actuellement Hamlet au théatre, ou encore au sens où des enfants jouant à la dinette disent qu'un crayon « est » (ou « serait » ) un couteau (p. 43).  

    Le problème, à vrai dire, n'est pas de savoir si la définition de Wiener-Kuratowski est véritablement fidèle au contenu préthéorique des notions de couple et de relation, tant il est clair que la réponse ne peut être que négative. Quine lui-même est le premier à l’admettre, qui tient pourtant cette définition pour une sorte de paradigme de l’analyse philosophique (Quine, 1960, p. 257). Mais c’est que celle-ci, selon lui, n’a justement pas vocation à restituer le sens usuel du terme ou du concept qu’elle prend pour objet. En règle générale, il s’agit moins de viser à la synonymie - pour autant qu'il soit permis de donner à cette idée elle-même un sens quelconque - que de remplacer une notion gênante par une autre, qui en conserve seulement certains traits fondamentaux, propre à assurer un parallélisme suffisant (p. 259). Peu importe, dans cette optique, qu’il existe en réalité n façons possibles de réduire les couples, par exemple, à des paires non ordonnées de paires non ordonnées. Laquelle est la bonne ? La question n’a guère de sens, du moment qu’elles sont toutes formellement équivalentes et qu’on a renoncé, par ailleurs à l’illusion de croire qu’il existe quelque chose comme LE  sens de la notion de couple ou de paire ordonnée. Un tel pragmatisme n’est évidemment pas fait pour lever les réticences de tous ceux qui exigent d'une définition en général - y compris lorsqu'elle revêt explicitement un caractère réductif – qu’elle préserve, sinon l’intégralité, du moins l’essentiel de la signification intuitive du definiendum. Mais justement, demande Quine, peut-on vraiment parler d'un sens intuitif du terme « ensemble ordonné » ? Ce mot recouvre-t-il autre chose qu'un concept spécifiquement mathématique, introduit à certaines fins précises au regard desquelles seule importe la « propriété fondamentale » des couples que respecte parfaitement chacune des définitions (p. 261) ? 

   On donnera volontiers acte à Quine de cette remarque. Le problème est que ce qui vaut, de ce point de vue, pour un terme comme celui de « couple ordonné », dont on peut effectivement penser qu’il appartient (au moins jusqu'à un certain point) au vocabulaire technique de la logique et des mathématiques, ne vaut pas nécessairement pour le concept de relation lui-même. Sans doute celui-ci possède-t-il, lui aussi, un sens mathématique déterminé, dont il est évidemment tentant de penser que la possibilité de réduire les relations à des classes de couples, puis les couples eux-mêmes à des classes de paires, contribue, au même titre que les axiomes du calcul des relations proprement dit, à le définir implicitement. Il n'en appartient pas moins également aussi au répertoire conceptuel commun, de sorte qu'à moins de postuler une solution radicale de continuité entre le concept logico-mathématique et la notion courante de relation, les difficultés qu’évoquent Wiggins et Lowe (entre autres) ne sauraient, en fin de compte, être minimisées.

   Le fait est, du reste, que la thèse selon laquelle les relations seraient effectivement identifiables à des classes de classes de paires non ordonnées semble se heurter au même genre de difficulté que celles qui guettent toute tentative de réduire les propriétés monadiques elles-mêmes à la classe des individus auxquelles elles s'appliquent. Comme le souligne D. Armstrong (1997, p. 163), il semble que cette variété particulière de nominalisme qui entend réduire - pour parler le langage de Frege - les propriétés à leur extension donne lieu à une caractérisation à la fois trop large et trop étroite des entités dont elle prétend éviter ainsi que l’on puisse être tenté de leur accorder une forme quelconque d'autonomie ontologique. Trop large, en l’occurrence, dans la mesure où différentes classes de classes peuvent être associées, comme on l’a vu, à la même relation. Trop étroite, surtout, parce que la même classe de classes peut, à l’inverse, servir de definiens à des relations différentes. Armstrong ne donne ici aucun exemple, mais on peut penser qu’il a en vue le genre de cas suivant. Imaginons un monde composé exclusivement de deux sortes de particules, P et P’, telles que toute particule P ait exactement deux fois la masse d’une particule P’ et se déplace à une vitesse six fois moins élevée. De toute évidence, on aura, dans ce cas, deux relations distinctes pour le même ensemble de paires. Certes, il existe a priori une solution à ce problème, qui consiste à identifier, d’une façon générale, une propriété avec la classe des individus qui l’instancient dans tous les mondes possibles où cette propriété est exemplifiée. Mais cette solution, due à David Lewis (1986, section 1.5), se heurte à l'objection qu’elle ne saurait rendre compte de la différence entre deux propriétés nécessairement co-instanciées par les mêmes entités, telles la propriété d’être un triangle et celle d’être un trilatère. La réponse de Lewis consiste à soutenir que la différence de signification entre les mots « triangle » et « trilatère » ne tient pas au fait que nous nous référons à une même classe de particuliers, mais que nous lui attribuons une structure différente : par « propriété », il faut donc entendre un ensemble structuré. Cette conjecture appelerait de nombreux commentaires, mais l'important, pour ce qui nous concerne, est qu’à l’évidence la notion de structure suppose précisément l'idée de relation. L’objection d’Armstrong, par conséquent, continue à s'imposer, si bien qu’il paraît raisonnable d'en tirer la conclusion qu'il en tire lui-même et de penser qu’effectivement, la procédure de Wiener-Kuratowski permet d’associer à chaque couple ordonné (et donc à chaque relation) une classe de classes qui peut bien lui servir, dans certains contextes, de représentation, mais à quoi on ne saurait, en tout état de cause, l’identifier. Dès lors, il paraît également raisonnable de douter que cette procédure ingénieuse soit réellement de nature à ébranler la thèse russellienne de l’irréductibilité du sens des relations asymétriques.


IV – Des relations dites « internes »


Admettons, par conséquent, que les propositions relationnelles ne soient pas réductibles, ou analysables, en termes strictement monadiques. Manifestement, toutefois, tel n’est pas le seul sens de l’expression « relation interne », y compris chez Russell lui même. Pour celui-ci, nous l’avons vu, le dogme des relations internes est « avant tout » la doctrine selon laquelle les propositions relationnelles sont logiquement ou conceptuellement, réductibles à des (conjonctions de) propositions de forme sujet-prédicat. Dans certains textes, cependant, et notamment dans un passage de l’article On the Monistic Theory of Truth dont Russell lui-même cite un long extrait dans Histoire de mes idées philosophiques, l’axiome des relations internes fait l’objet d'une formulation sensiblement différente et devient la thèse qui veut que « toute relation soit fondée dans la nature des termes en relation » (1910, p. 139). Faut-il en conclure, comme n’hésite pas à la faire K. Campbell (1990, p. 104), que Russell n’aurait pas su, ou pas voulu, opérer la distinction qui s’impose entre deux thèses en réalité tout à fait distinctes, l’une selon laquelle toute relation serait réductible à, et l’autre selon laquelle toute relation serait fondée sur, certaines propriétés intrinsèques de ses termes ? A s’en tenir à la lettre des textes, une telle affirmation serait inexacte. Quelques paragraphes plus loin, Russell observe au contraire lui-même que l’axiome des relations internes se prête à deux interprétations différentes, « selon que l’on soutient que toute relation est réellement constituée par la nature de ses termes ou de l’ensemble qu’ils composent, ou simplement que toute relation a son fondement dans cette nature » (pp. 140-41). Tout en remarquant que les partisans de l’internalisme, assimilés ici aux « idéalistes », ne distinguent pas habituellement, pour leur part, entre ces deux significations possibles, il en conclut aussitôt, il est vrai, que la distinction en question est, d’une certaine manière, sans importance, puisque les deux thèses « aboutissent l’une et l’autre à l’idée qu'il n’y a pas de relations du tout » (p. 141). Affirmation pour le moins discutable, mais qui n’empêche pas toutefois Russell d’examiner pour elle-même la thèse selon laquelle toute relation a un fondement monadique, en commençant par considérer (et par rejeter, bien sûr) deux arguments qui pourraient invoqués en sa faveur. Partant d’une remarque de Bradley dans Appearance and Reality ( « Si deux termes ne sont pas en relation du fait de leur propre nature intérieure, alors, en ce qui les concerne, ils semblent être en relation sans aucune raison et, en ce qui les concerne, la relation semble arbitraire »), il estime qu’un premier argument pourrait consister à invoquer le principe de raison suffisante – mais c’est pour objecter aussitôt que celui-ci ne paraît pas recevoir de formulation satisfaisante et propre à nous éclairer en la matière. Le second argument pourait être le suivant : « si deux termes ont une certaine relation, ils ne peuvent pas ne pas avoir cette relation et (…) s’ils ne l’avaient pas, ils seraient différents ; ce qui semble prouver qu’il y a bien quelque chose dans les termes eux-mêmes qui aboutit à ce qu’ils soient en relation comme ils le sont » (tr. p. 199). Selon Russell, cet argument est fallacieux, car quand bien même il serait vrai que deux paires de termes qui n’entretiennent pas la même relation sont ipso facto distincts, cete différence numérique n’entraînerait pas forcémement une différence d’ordre qualitatif. 

A vrai dire, l’interprétation de ce passage (qui résume le § 424, passablement tortueux, des Principles et qui préfigure à sa manière le raisonnement de Moore dans «External and Internal Relations ») est loin d’aller de soi et continue de diviser les commentateurs. L’important, pour mon propos, est l’étroitesse des liens que Russell, en bon lecteur de Bradley (mais, selon moi, de façon erronée sur le fond) établit entre l’idée que les relations sont, d’une manière ou d’une autre, fondées dans la nature de leurs termes et celle selon laquelle elles détermineraient par là même, ne serait-ce qu’en partie, leur identité. Dans « La théorie moniste de la vérité », la seconde idée est présentée comme un argument possible en faveur de la première. Mais, dans d’autres textes, elle apparaît au contraire comme une conséquence immédiate du dogme des relations internes. Comme l’écrit Russell dans les Problèmes de philosophie, « on affirme en effet qu'une chose en relation avec d’autres doit comporter dans sa propre nature quelque référence à ce qui lui est extérieur : elle ne serait donc pas ce qu’elle est en l’absence des autres. La nature d’un homme, par exemple, est constituée de ses souvenirs, de ses connaissances, de ses affections et de ses haines, etc.., de sorte qu’il ne serait pas lui-même sans ce qu’il aime, hait ou connaît » (p. 167; souligné par moi). De toute évidence, les deux thèses sont en définitive, aux yeux de Russell, plus ou moins équivalentes.


Tout porte à croire, cependant, qu’il s’agit en réalité de deux thèses distinctes, largement indépendantes l’une de l’autre. Le fait est, du reste, que l’expression « relation interne » en est venue, du même coup, à recouvrir progressivement deux notions elles-mêmes assez différentes. Tantôt, en effet, l’on qualifiera d’ «interne » une relation qui découle de (ou « survient » sur) telle ou telle propriété monadique de ses termes. Et tantôt une relation interne sera - au contraire, ou presque – une relation essentielle, constitutive en quelque façon de l’existence ou de l’identité même de ses relata. Or il est clair que les deux notions sont en droit indépendantes, qu’une relation donnée peut fort bien dépendre de certaine(s) qualité(s) purement contingente(s) de l’un ou l’autre de ses termes et qu’à l’inverse rien n’interdit a priori de concevoir l’existence de relations essentielles, mais dépourvues de tout fondement monadique, et donc en quelque sorte directement constitutives de l’identité des objets qu’elles relient. Par contraste, on distinguera donc aussi entre deux manières différentes dont une relation peut être décrite comme « externe ». Dans ce qui suit, je réserverai l’appellation de relation « purement externe » pour désigner des relations qui - comme les relations spatiales ou temporelles, selon certains philosophes - ne relèvent à première vue ni de l’une ni de l’autre forme possible d’intériorité.



V- Les relations externes


Mais il est temps, précisèment, d’en venir à la thèse positive défendue par Russell lui-même : le principe des relations externes. Celui-ci, à son tour, se présente à la fois comme une thèse « logico-philosophique » (au sens que Russell donne à ce terme dans Our Knowledge of the External World, c’est-à-dire comme portant sur la forme logique des propositions) et comme une thèse métaphysique, qui affirme l’indépendance mutuelle des relations et de leurs termes, pour en conclure à la réalité « pleine et entière » des premières. Plutôt que d’un « principe », ou d’une thèse isolée, il s’agit donc en fait d’une doctrine complexe qui frappe par son extrême et, en quelque sorte, triple radicalité. Dans sa version originelle, en effet, la doctrine russellienne de l’extériorité des relations va très largement au-delà de ce qu’exigerait en toute rigueur le simple rejet du « dogme » des relations internes. D’abord, en étendant l’idée d’extériorité, peu ou prou, à l’ensemble des relations. Ensuite, en soutenant que celles-ci ne sont « internes » dans aucun des sens de ce mot que nous avons distingués jusqu’ici. Et enfin en postulant l’indépendance mutuelle et absolue des relations et de leurs termes. Considérons ces différents éléments tour à tour. 


« Fondamentalement <primarily>, peut-on lire dans un texte de 1924 intitulé « Logical Atomism » (in L. and K., p. 335), «le principe des relations externes stipule qu’une proposition relationnelle n’est pas, en règle générale, formellement et logiquement équivalente à une proposition, ni même à plusieurs propositions de la forme sujet-prédicat. (…) C’est cela, et rien d'autre, que je veux dire en affirmant la doctrine des relations externes, et c’est là, de toute évidence, au moins en partie ce que M. Bradley conteste lorsqu’il soutient la doctrine des relations internes.» 

On aura noté les mots « …en règle générale » <in general>. Dans Our Knowledge of the External World, Russell se dit prêt à admettre « à la rigueur » que certaines relations symétriques, telles la relation d’égalité, consistent dans la possession d’une qualité partagée de part et d’autre. Mais cette concession, faite du bout des lèvres, n’est guère convaincante : car, dans ce cas, si Socrate est provisoirement aussi grand que Théétète après avoir été plus grand, et avant d’être moins grand que lui, on voit mal pourquoi le premier état de choses pourrait se ramener à la possession par Socrate et par Théétète de leur taille respective, mais non pas les deux autres. Dans Histoire de mes idées philosophiques (p. 68), Russell concède également qu’en l’absence d’objet réel, une relation intentionnelle, non symétrique, comme « aimer » peut simplement consister en l’exemplication par la personne qui aime d’un certain nombre d’états purement internes et de propriétés monadiques – même un athée, écrit-il, devrait reconnaître qu’un croyant peut aimer Dieu -, mais c’est pour s’empresser aussitôt d’ajouter qu’en pareil cas nous n’avons affaire qu’à une pseudo-relation (et donc, comme le note avec raison Vincent Descombes (1996, p. 191), il ne s’agit en fait que d’une « concession apparente »). 


On notera également que, dans le passage de « Logical Atomism »  cité plus haut, qui appartient à ce que l’on appelle la « seconde philosophie » de Russell, une « proposition » est une entité linguistique : un énoncé ou une phrase déclarative. Mais tel n’était pas le cas en 1903, à l’époque des Principles, où, en vertu d’une théorie de la signification étroitement référentialiste qui postulait qu’en règle générale, et si de côté le cas des fameuses « expressions dénotantes », la signification <meaning> d’un mot se confond avec l’entité qu’il désigne ( ou « indique »), et en vertu du principe, emprunté à Moore, de la réalité des termes du jugement, une proposition était une entité extra-linguistique qui n’était composée ni de mots ni d’idées (ni de modes de présentation ou de « sens » fregéens), mais directement et exclusivement des entités – des choses ou des « concepts » (attributs ou relations) – désignées par les mots qui contribuent à son expression. Dans un tel contexte, qui est celui dans lequel s’inscrivent la genèse et la formulation de la doctrine de l’extériorité des relations, le principe de l’irréductibilité des propositions relationnelles avait immédiatement – et en quelque sorte par hypothèse – un sens et une portée métaphysiques. Du même coup, bien entendu, la question se pose de savoir jusqu’à quel point, à partir du moment où l’on renonce (comme Russell lui-même le fera par la suite par la suite) à cette conception aux termes de laquelle les propositions vraies se confondent plus ou moins avec des états de choses et sont en quelque sorte leur propre vérifacteur, la conséquence est toujours bonne qui conduit de l’irréductibilité des propositions relationnelles à la réalité des relations elles-mêmes.


Heureusement, si j’ose dire, il existe - au moins chez le « premier » Russell - un autre type de lien entre les deux notions d’ « extériorité » et de « réalité » des relations. Selon Russell, le principe des relations externes – dont on voit bien, du même coup, qu’il va effectivement très au-delà du simple refus de réduire les prédicats polyadiques à des prédicats monadiques – doit s’entendre au sens de l’indépendance complète et mutuelle des relations et de leurs termes : l’existence d’une relation ne saurait découler, ni même dépendre en aucune manière, de la « nature » de ses termes, qu’elle ne saurait, en retour, affecter ou « modifier » de quelque façon que ce soit. Il s’agit là d’une thèse particulièrement radicale, assurément, et dont il convient au demeurant de distinguer soigneusement les deux volets, mais qui (prise dans son ensemble) débouche, au plan métaphysique, sur ce que Russell lui-même, dans Mysticism and Logic (p. 111), appelle un « pluralisme absolu » et sur l’image, évoquée dans la Préface des Principles, d’un monde «composé d’un nombre infini d’entités mutuellement indépendantes et de relations qui sont fondamentales et irréductibles à des adjectifs de leurs termes ou du tout que ceux-ci constituent ». Mais d’emblée, en tout cas, on voit bien qu’à lui seul le premier volet de cette thèse double (i.e. l’indépendance des relations par rapport à leurs termes) revient à élever les relations au rang d’êtres séparés et donc à les compter finalement, comme l’a bien vu Jules Vuillemin (1971, p. 49) « parmi les substances, non parmi les accidents ». On ne saurait davantage prendre le contre-pied, non pas seulement de l’idéalisme, mais aussi de la tradition aristotélicienne et scolastique. Rappelons que les relations, pour Russell, sont des universaux (dans certains textes, ils apparaissent même comme les véritables universaux, et en tout cas comme ceux dont la réalité objective est la moins douteuse). Or, d’une part, ces universaux n’ont pas d’instances, ainsi que l’établit le § 55 des Principles. Mais, d’autre part et surtout, non seulement les relations sont indépendantes de la « nature » ou des propriétés monadiques de leurs termes, comme nous l’avons vu, mais elles ne dépendent même pas non plus (du moins à l’époque des Principles) de l’existence des particuliers qui les exemplifient. Cette thèse ne doit pas être confondue avec la précédente : David Armstrong, par exemple, rejette lui aussi la notion d’instance d’universel, mais il n’en écarte pas moins la possibilité d’universaux non exemplifiés. Par contraste le réalisme russellien en matière de relations est un réalisme de type « platonicien », et non de type « aristotélicien » : on ne s’étonnera donc pas de voir Russell se réclamer ouvertement de Platon dans le chapitre des Problèmes de philosophie (1912) intitulé « le monde des universaux ». 


Passons maintenant au second volet de la doctrine de l’ «extériorité » entendue dans son sens d’indépendance mutuelle : la thèse selon laquelle les termes ne sauraient, à leur tour, dépendre des relations qu’ils entretiennent – ni dans leur « nature », cette fois encore, ni à plus forte raison pour leur existence. On voit bien ce que Russell a ici en vue : il s’agit de s’opposer frontalement à la formule favorite de Bradley et des néo-hégeliens selon laquelle il n’est pas de relation digne de ce nom dont l’occurrence ou la disparition n’implique une « modification » de ses relata. Au début de son célèbre article  «External and Internal Relations » (1922), Moore s’est longuement interrogé sur le sens qu’il convenait de donner à ce genre de formule. Puisque le changement ou la modification en question ne saurait être, manifestement, d’ordre causal, s’agit-il d’affirmer que, si A et B n’entretenaient pas la relation R qu’ils entretiennent de fait, ils seraient qualitativement différents, ou bien de soutenir que ce ne seraient tout simplement plus A et B eux-mêmes, mais, disons, deux autres particuliers : C et D. En termes aristotéliciens, s’agit-il d’un changement dans la catégorie de la qualité (ou de la quantité, etc.) ou bien carrément d’un changement dans la catégorie de la substance ?  A l’instar de Russell, Moore considère – à raison, me sembe-t-il – que toute la démarche de Bradley et alii revient, au pire, à confondre les deux choses et, au mieux, à supposer qu’elles sont elles-mêmes intrinséquement liées. Etrangement, Russell lui-même, qui a eu pourtant le mérite d’être le premier à remettre en cause le raisonnement qui sous-tend cette équation, n’en tend pas moins à donner finalement  quitus à Bradley sur ce point. Ce qu’il s’emploie à combattre en priorité, c’est l’idée que les relations devraient être tenues, toujours en général, pour littéralement essentielles à l’identité et/ou à l’existence de leurs termes – une idée qui lui est d’autant plus étrangère qu’il n’éprouve guère de sympathie pour la distinction traditionnelle essentiel/contingent et pour les considérations modales plus généralement. Mais du même coup, obsédé par le rejet de cette idée et finalement victime, malgré lui, du raisonnement des néo-hégeliens au moment même où il entreprend d’en contester la conclusion, c’est en fin de compte toute espèce d’incidence possible des relations sur leurs termes qu’il finit par nier – de façon pour le moins hâtive et indifférenciée, sans tenir compte des différences entre catégories de relations et au mépris du l’intuition, formulée de multiple manières dans la tradition philosophique, en vertu de laquelle une relation « réelle » est une relation dont l’occurrence ou la disparition implique, du point de vue de ses termes, un changement lui-même réel. Il y a toutes sortes de façons d’interpréter cette idée : le caractère assez peu plausible de la position de Russell tient au fait qu’elle les rejette toutes en bloc. 


Pour la résumer d’un trait, la thèse de Russell, on le voit, consiste à soutenir que toutes les relations, ou du moins la grande majorité d’entre elles, sont ce que j’ai appelé plus haut des relations « purement externes ». Or cette position, telle quelle, paraît en effet difficilement tenable. En premier lieu, et puisqu’il n’est tout simplement pas concevable que n’importe quelle sorte de relation puisse avoir lieu entre n’importe quelle catégorie de termes, il est douteux en un sens, comme le remarque Mertz, qu’aucune relation puisse être entièrement extérieure – comme indifférente et aveugle - à la nature de ses termes, ne serait-ce qu’à leur nature catégoriale. En second lieu, et de façon plus décisive, il me paraît difficile de nier l’existence de toute une variété de relations dont l’occurrence, ou la subsistance, dépend – et même découle directement – de certaines propriétés de leurs termes. Au cours de la période récente, cette évidence a eu tendance à refaire surface dans la philosophie analytique, notamment avec des auteurs comme I. Johansson (1989) et Keith Campbell. Dans son livre Abstract Particulars (1990), Campbell s’est efforcé de généraliser cette analyse à l’ensemble des relations – y compris aux deux principales catégories de relations qui sont traditionnellement censées résister à toute approche de type « fondationniste » : les relations causales, d’une part, et les relations spatiales ou temporelles d’autre part. J’ai tenté ailleurs de montrer, contre Campbell, que les relations causales ne pouvaient être dites, à strictement parler, « survenir » sur les propriétés monadiques (y compris dispositionnelles) de leurs termes, dont elles dépendent néanmoins pour partie. Le cas des relations spatiales et temporelles, que je ne puis aborder ici, est encore plus complexe. Mais même si l’on rejette le « fondationnisme » intégral de Campbell, je vois mal comment l’on pourrait en récuser le principe s’agissant des relations dites « de comparaison » ( plus grand que…, plus clair que …, etc. ) De ce point de vue, et si par « relation interne » on entend une relation « fondée », je suis enclin à penser, à l’instar de David Armstrong et d’une majorité de philosophes contemporains, qu’il existe à la fois des relations internes et des relations (plus ou moins radicalement) externes. Tout le problème, dans ces conditions, est de savoir si les relations fondées (ou « survenantes ») sont de ce fait réductibles aux propriétés monadiques qui les sous-tendent (comme le soutiennent et Campbell et Armstrong). Nous avois admis jusqu’ici, en accord avec Russell, que les relations ne sont pas, en règle générale, logiquement ou conceptuellement réductibles. Mais, ontologiquement parlant, ceci ne suffit pas à écarter la possibilité que certaines d’entre elles soient, au cas par cas (token/token), réductibles à leur base de survenance. Dans un langage un peu différent, la question était déjà au centre du débat sur les relations au sein de la philosophie scolastique. Elle demeure encore très largement ouverte. 


Le cas le plus délicat est peut-être celui de ces relations internes par excellence que sont les relations directement constitutives. L’idée est au cœur de toutes les formes de holisme, comme elle est au fondement de toutes les variétés de structuralisme.  Pourtant, elle est loin de faire l’unanimité chez les philosophes. Nombreux sont ceux qui sont prêts à envisager l’existence de relations de ce type entre des entités abstraites ou intensionnelles, comme (par exemple) les nombres, les points de l’espace géométrique, les concepts ou les significations, les institutions, voire les objets sociaux, les œuvres d’art en tant qu’ « objets intentionnels », etc. Qu’il puisse y avoir des relations de cet ordre entre des particuliers concrets pris en eux-mêmes (et non pas considérés sous un certain mode de présentation) prête davantage à controverse. Une objection répandue est qu’une telle hypothèse entrerait en conflit avec le principe de Hume selon lequel il ne saurait exister aucune sorte de connexion logique entre « existences distinctes », et ce alors même qu’un vénérable adage qui nous vient des philosophes médiévaux veut qu’une relation réelle (par opposition à une simple « relation de raison ») ne puisse avoir lieu qu’entre des termes eux-mêmes réellement distincts. 


Une autre série d’interrogations que suscite la doctrine de l’extériorité des relations, toujours dans sa version originelle, a trait au statut ontologique des relations elles-mêmes. J’ai écrit plus haut que, dans les Principles, les relations se voyaient reconnaître le même degré de réalité et surtout d’indépendance ontologique - de « substantialité » - que les « objets » entre lesquelles elles « subsistent ». Dans le même ouvrage, cette tendance à la substantialisation provient de la conjonction de la thèse d’extériorité elle-même, du principe de la réalité des constituants du jugement et, en outre, du principe dit de « nominalisation » (ou de l’ « invariance du concept ») en vertu duquel, contrairement à ce que soutenait Frege, un concept – une propriété ou une relation – ne change pas de nature s’il en vient à être désigné comme tel (le fameux « concept cheval » de Frege) ou placé en position de sujet d’une proposition (c’est ce principe, en autres raisons, qui conduit Russell à rejeter la notion fregéenne d’incomplétude ou d’ « insaturation » des concepts). Mais il est clair aussi que ce même processus de substantialisation entraîne toute une série de difficultés. La première est évidemment qu’elle se heurte au paradoxe de Bradley (qui remonte en fait au moins à Avicenne et que n’ont cessé d’invoquer les philosophes scolastiques nominalistes, à l’instar d’Ockham, contre la tentation de transformer la relation en une res relativa). Soit une proposition relationnelle quelconque « aRb » : dans l’hypothèse où la relation R serait quelque chose par elle-même et indépendamment de ses termes, il nous faudrait introduire deux nouvelles relations R1 er R2 reliant la relation R elle-même à chacun de ses termes, puis quatre nouvelles relations R3, R4,  R5 et R6 reliant R1 et R2 à leurs termes respectifs, et ainsi de suite.  Dans Appearance and Reality (chap. III), Bradley en conclut qu’une relation ne peut être entièrement extérieure à ses termes, sauf à envelopper une forme inacceptable de régression à l’infini. Dans les Principles, la réponse - à vrai dire peu convaincante - de Russell est que la régression est indéniable, mais qu’elle ne présente aucune difficulté particulière, puisqu’elle ne concerne pas la signification des propositions relationnelles,  mais seulement leurs implications. Selon lui, autant le premier type de régression serait assurément illégitime, puisqu’il nous empêcherait de pouvoir jamais accorder à une proposition une signification définie et qu’en outre la compréhension d’une proposition finie ne saurait « envelopper » la connaissance d’un nombre infini de propositions, mais la seconde forme de régression est inoffensive, puique le rapport d’implication est synthétique et n’affecte pas le sens de la proposition impliquante (1903, p. 349).


Une autre difficulté, liée à la précédente et non moins importante, est que (comme il apparaît clairement à Russell, dès 1903, au moment de rendre compte de l’unité et du sens des propositions en général), une relation ne saurait être détachée, lors du processus de l’analyse propositionnelle, des termes qu’elle se trouve concrètement relier, ni être transformée par là même en nom verbal, sans que soit aussitôt perdue cette connexion « curieusement indéfinissable » qui la rapporte aux termes en question en leur assignant un ordre déterminé et qui fait toute la différence entre « une relation reliante <relating relation> et cette même relation considérée abstraitement» (1903, § 84). A la même époque, Russell ne paraît pas relever de contradiction majeure entre cette observation et son adhésion au principe de l’invariance du concept. Mais, quelques années plus tard, la mise en place de la théorie des types l’oblige à renoncer à ce principe. Les conséquences de cettte évolution (et sans doute aussi de l’influence de Wittgenstein à partir de 1912-1913) pour la question qui nous intéresse apparaitront clairement à la fin de la décennie suivante. Dans les célèbres conférences sur La philosophie de l’atomisme logique de 1918 (in Russell, 1989), Russell soutient que, dans un langage bien fait, une relation «ne peut jamais figurer autrement que comme une relation » (de même qu’un prédicat monadique « ne peut jamais figurer que comme prédicat »). Et en 1924, dans l’article « Logical Atomism » que j’ai déjà eu l’occasion de citer, il déclare que toutes les propositions dont un attribut ou une relation semble être le sujet n’ont de sens que si elles peuvent être ramenées à une forme dans laquelle « l’attribue est attribué et la relation relie » (Logic & Knowledge, 1956, pp. 37-338). Si tel n’était pas le cas, l’attribut ou la relation occuperait la place d’une substance, c’est-à-dire d’un individu, en violation de la théorie des types. Cette dernière remarque met définitivement un terme à la distinction entre une relation reliante et la même relation considérée « en elle-même ». Mais du même coup, s’il n’est de relation qu’effectivement reliante, c’est la notion même d’extériorité comme « indépendance » mutuelle des relations et de leurs termes qui se trouve, à l’évidence, remise en cause. Dans le même article, Russell va d’ailleurs jusqu’à écrire que l’on ne saurait définir le principe des relations externes en disant que « les termes sont indépendants des relations » (ou l’inverse), parce qu’ « ‘indépendant’ est un mot qui ne veut rien dire <which means nothing> » (p. 334). Il n’est dès lors pas très étonnant que ce soit précisément dans cet article qu’il affirme, comme nous l’avons vu, que son désaccord avec Bradley et les partisans des relations internes concerne la forme logique des énoncés de relation, « et rien d’autre ». Dans ces conditions, il n’est pas étonnant non plus qu’en réponse au paradoxe de Bradley (et autres objections du même genre), Russell s’empresse à présent de rejeter l’accusation selon laquelle le principe des relations externes aurait pour conséquence que la relation viendrait comme un troisième terme dont il faudrait ensuite expliquer de quelle manière elle est « accrochée » <hooked>  à ses relata. Selon lui, une telle hypothèse est  effectivement absurde « car la relation, dans ce cas, a cessé d’être une relation, et tout ce qui reste de proprement relationnel est l’accrochement <hooking> de la relation à ses termes. La conception de la relation comme un troisième terme entre les deux autres péche contre la doctrine des types et doit être évitée avec le plus grand soin » (p. 335). 


Dont acte. Mais la question du statut métaphysique des relations ne s’en pose qu’avec plus d’acuité. A aucun moment, jusqu’au bout de son extraordinaire carrière philosophique, Russell ne reviendra sur l’idée qu’il existe des faits relationnels objectifs, que ceux-ci ne sont pas, de façon générale, réductibles à la conjonction de plusieurs faits monadiques et, pour finir, que les relations sont des universaux. Mais, au-delà, le mystère reste entier. Dans un passage connu de son Histoire de mes idées philosophiques, que j’aimerais citer pour fini, Russell nous fait part de sa perplexité, finalement, sur ce point : 

 « Pour ma part, il me semble aussi certain qu’une chose peut l’être qu’il y a des faits relationnels, tels que « A est antérieur à B ». Mais s’ensuit-il qu’il existe un objet dont le nom est « antérieur » ? Il est très difficile de voir ce que signifie cette question, et plus difficile encore de lui trouver une réponse. Il y a certainement des ensembles complexes qui ont une structure, et nous ne pouvons décrire cette structure sans mots-relations. Mais, si nous essayons de décrire une entité quelconque désignée par ces mots-relations et susceptible d’avoir une vague existence en dehors du complexe dans lequel elle s’incarne, il n’est pas sûr du tout que nous y réussirons » (Russell, 1959, p. 216). 



                          

                                   Références bibliographiques


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 La situation à vrai dire, est un peu plus complexe, car en réalité la méthode de W-K ne permet pas de réduire le calcul des prédicats polyadiques du premier ordre au calcul des prédicats monadiques du premier ordre, mais seulement de réduire le calcul des prédicats polyadiques d’ordre fini quelconque au calcul des prédicats monadiques d’ordre fini quelconque. Je laisserai toutefois de côté, ici, cette complication supplémentaire.


 Cf aussi Essays in Analysis, p. 48 : « il n’existe pas de relations particularisées » ; à noter toutefois que, dans son fameux article de 1911 « On the Relations of Universals and Particulars » (in Logic and Knowledge, 1956), Russell adopte une position un peu différente sur ce point.

 Clementz, F. (2004)

 voir Clementz ,F. (2008)


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